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Carte des pratiques et montages abusifs : où en est-on après 18 mois d’existence ?

Début avril 2015, la Direction Générale des Finances Publiques (« DGFiP ») a introduit une nouvelle carte des pratiques et montages abusifs au sein du portail de l’Economie et des Finances. Quel est son rôle, et comment a-t-elle évolué depuis sa mise en place ?

  1. La publication de cette carte s’inscrit dans le cadre de la lutte renforcée contre la fraude et l’évasion fiscales

Ce nouvel outil a pour but de recenser, sans prétendre à l’exhaustivité, les principaux schémas identifiés par l’administration fiscale et déployés par les contribuables, que ce soit des personnes physiques ou des sociétés, pour minorer artificiellement leur charge d’impôt en France.

Comme l’annonce sa présentation sur le site, il s’agit de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales, notamment dans un contexte international. Cet objectif y est qualifié d’enjeu majeur de souveraineté et de redressement des comptes publics, et de condition essentielle pour faire respecter le principe d’égalité devant l’impôt. Afin de justifier cette démarche « innovante », qui s’inspire toutefois de procédures mises en place dans d’autres pays[1] depuis plusieurs années déjà, les autorités ne manquent pas non plus d’y souligner que de telles pratiques portent atteinte, d’une part, à la solidarité nationale en faisant reposer l’impôt sur les seuls contribuables qui respectent leurs obligations fiscales et, d’autre part, aux conditions d’une concurrence loyale entre les entreprises.

Au-delà de ces discours officiels, les résultats recherchés sont triples :

  • Dissuader les contribuables ayant des velléités de le faire de recourir à ces schémas pour l’avenir ;
  • Inciter les personnes en ayant déjà mis en place à régulariser leur situation auprès de Bercy, et donc favoriser ainsi la récupération d’impôts précédemment éludés moyennant remise de pénalités à négocier au cas par cas ;
  • Communiquer de façon plus transparente sur la politique de répression du fisc en la matière, en divulguant au public les montages particulièrement surveillés par ses agents et les sanctions encourues lorsqu’ils sont identifiés.

 

  1. Cette carte fait référence à des montages précis mais son champ est vaste quant aux impôts et taxes éludés

Au 30 septembre 2016, la carte des pratiques et montages abusifs recense 23 schémas, dont 17 existaient déjà dans la liste initiale établie lors de sa création il y a 18 mois et 3 ont été introduits dans la liste au cours de ce mois, tandis que 13 d’entre eux (soit 56,5%) se rapportent à des opérations internationales.

Parmi eux, 8 ont trait à l’impôt sur les sociétés, dont 4 à la seule non-déductibilité des intérêts ; 7 autres à l’impôt sur le revenu ; 2 à l’ISF ; 2 à la TVA ; 2 aux retenues à la source ; et 1 aux droits de mutation à titre gratuit. Quant au dernier, il concerne le régime applicable aux management packages largement pratiqués dans le cadre des opérations de LBO, et consiste à requalifier en salaires des sommes initialement traitées comme des plus-values.

  • Des pénalités lourdes sont susceptibles d’être appliquées

En sus des intérêts de retard traditionnels systématiquement notifiés par les inspecteurs des impôts, la typologie des pénalités pouvant être retenues pour les 23 schémas répertoriés est la suivante :

  • 7 d’entre eux peuvent faire l’objet de pénalités de 80% pour abus de droit ou manœuvres frauduleuses ;
  • 8 autres de ces mêmes pénalités, ou de pénalités de 40% pour manquement délibéré, sans qu’aucune ligne de partage entre ces deux niveaux de sanction ne soit précisée ;
  • Les rappels relatifs à 3 autres ne peuvent être assortis que de pénalités de 40% pour manquement délibéré ; et
  • 4 autres sont susceptibles de donner lieu à pénalités ou amendes spécifiques, comme celle de 50% sur les commissions non déclarées sur la DAS 2.

Enfin, seules deux de ces pratiques ne relèvent a priori d’aucune catégorie de pénalités ou d’amendes : en l’occurrence, il s’agit de la délocalisation de profits suite à restructuration, d’une part, et du schéma de contournement des règles de déduction du mali de fusion, d’autre part. Cela ne signifie pas que les rappels en découlant ne seront jamais assortis de sanctions pécuniaires, mais seulement que leur application ne sera pas quasi-systématique, comme dans tous les autres cas[2].

 

Dans la droite ligne de la Directive européenne de lutte contre l’évasion fiscale adoptée le 12 juillet dernier, et dans le prolongement du plan d’actions BEPS de l’OCDE, cette cartographie des pratiques et montages abusifs n’est qu’un exemple supplémentaire du volontarisme désormais clairement affiché et revendiqué par les autorités françaises et européennes en matière de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, en particulier dans un contexte international. Elle illustre toutefois aussi l’intention de l’administration fiscale d’instaurer une plus grande transparence dans sa démarche. En tout état de cause, elle doit inciter les contribuables à la plus grande prudence quant aux schémas qu’ils mettent en œuvre pour traduire sur le terrain et financer leur stratégie de développement, notamment via des opérations transfrontalières.

[1] Notamment les Etats-Unis.

[2] Dans un premier temps au moins.